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Il était près de six heures du matin, le 21 avril 1945. Le jour s’annonçait à peine. Kersten accompagna Himmler à son automobile. Une bise aigre et mouillée secouait les branches des arbres.
Les deux hommes ne parlaient pas. Ils savaient qu’ils se voyaient pour la dernière fois.
Ce fut seulement arrivé à sa voiture, dont le chauffent S.S. tenait déjà la portière ouverte, que Himmler dit au docteur :
— Je ne sais combien de temps je vivrai encore. Quoi qu’il arrive, je vous en prie, ne pensez jamais de mal de moi. J’ai sans doute commis de grandes fautes. Mais Hitler a voulu que je suive le chemin de la dureté. Sans discipline, sans obéissance, rien n’est possible. Avec nous, disparaît la meilleure partie de l’Allemagne.
Himmler pénétra dans sa voiture, s’assit. Puis il prit la main du docteur, la serra fébrilement et acheva d’une voix étouffée :
— Kersten, je vous remercie pour tout… Ayez pitié de moi… Je pense à ma pauvre famille.
À la clarté du jour naissant, Kersten vit des larmes dans les yeux de l’homme qui avait ordonné sans hésiter plus d’exécutions et de massacres qu’aucun homme dans l’histoire et qui savait si bien s’attendrir sur lui-même.
La portière claqua. La voiture fondit dans l’obscurité.